Nanosciences et Art Contemporain


mardi 29 décembre 2009

Introduction - "Nouveaux matériaux pour l'Art" - NanoArt

Propos - Le 19 novembre 2009, à Paris (Institut Henri Poincaré, 11 rue Pierre et Marie Curie), Niki Baccile (Chercheur au CNRS) et Thierry Lalot (Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon la Sorbonne), ont organisé une journée de rencontres internationales et échanges entre scientifiques du domaine des sciences de la matière et nanosciences en présence d'artistes, critiques d'art et commissaires d'exposition autour du thème
Nanoscience et Art Contemporain (NanoArt)

La rencontre avait pour but de traiter les thèmes suivants :
  • Que-ce qu'est le NanoArt ?
  • Faire connaitre les artistes qui se sont déjà confrontés au thème des nanoscience
  • Faire connaitre le domaine des nanosciences à un public artistique
  • Montrer une vision globale des nanosciences
  • Montrer des exemples de nanomatériaux à travers des expériences réalisées sur place
  • Créer des contacts entre artistes et scientifiques
Ce blog repropose le contenu intégrale de la journée pour tous ceux qui ont manqué le rendez-vous. Vous trouverez ici des textes de présentation, le programme détaillé, les biographies des intervenants ainsi que les vidéos de chaque intervention.


Organisation de la journée - La journée a été partagée en trois parties en fonction des thèmes abordés.

Présentation générale et historique du rapport entre art et matériaux (Matin)
William Whitney et Margherita Balzerani ont proposé de nombreux exemples issus de l'histoire de l'art ancienne, moderne et contemporaine où la matière et le matériau ont joué un rôle important dans la conception matérielle et conceptuelle de l'œuvre.

Présentation générale des nanosciences (Matin)
Jacques Livage et Mady Elias ont donné un aperçu du niveau atteint par le domaine des nanoscience aujourd'hui ainsi que des quelques méthodes de visualisation actuellement utilisées. Le but de ces propos est de donner une vision globale de quelques aspects des nanosciences.

Œuvres et expériences (Après midi)
L'après midi a vu une succession d'artistes, critiques d'art et scientifiques dont les présentations avaient le but de montrer des travaux artistiques mélangeant nanoscience et art mais aussi de montrer des exemples concrets de nanomatériaux et leurs propriétés.

Texte d'Introduction (Par N. Baccile, T. Lalot)

Artistes et nature invisible. La Mona Lisa de la science moderne peinte par Martin Kemp dans Nature nous renvoie à un autre article paru cinquante ans plus tôt dans le même journal : James Watson, généticien et biochimiste américain, et Francis Crick, biologiste britannique, publient la structure des acides nucléiques, notamment celle de l’ADN constitutif de nos chromosomes.
Ami de Watson, Dali s’appropriera l’acide désoxyribonucléique, mémoire de Dieu au service de chaque élément du monde et source d’une production artistique dont Le grand masturbateur dans un paysage surréaliste avec ADN (1957) et Galacidalacidesoxyribonucleicacid (1963) en sont les fleurons. Plus près de nous, en 1999, l’Américaine Sara Sze installe Everything That Rises Must Converge à la fondation Cartier pour l’art contemporain. L’œuvre d’inspiration désoxyribonucléique se lie à la mémoire de Dali par l’engouement pour cette icône échappée de l’infiniment petit.

L’art du nanomètre. En ce XXIème siècle, l’art contemporain manifeste son intérêt pour de nouvelles voies de recherche en sciences de la matière, particulièrement celles qui observent, conçoivent et fabriquent des objets d’un milliardième de mètre. La première exposition portant sur le thème "Nanosciences et Art" eut lieu à Paris à la galerie Fraich’attitude en 2003. Depuis, un petit nombre - mais croissant - d’actions culturelles ont essaimé en quelques grandes villes du monde : à Los Angeles, à Bergame, de nouveau à Paris. Autre lieu, autre forme, Internet tisse une toile d’exposition et de concours, consacrée au NanoArt.
Qu’un artiste saisisse sur un support fixe ou en mouvement cet infiniment petit, semble conduire l’art du nano vers la photographie et la vidéo. Mais à l’inspiration de l’artiste, au champ de son imaginaire, le milliardième de mètre offre également les concepts élaborés par les sciences de la matière pour appréhender, construire et proposer à la société ce monde invisible.

De la source quantique... Au cours des vingt dernières années, les recherches en physique et chimie ont investi, notamment en Europe, aux Etats-Unis et en Asie, un territoire qui constituera bientôt celui des nanosciences.
Ressortissant du concept "nano", ces études distinguent la taille des objets de leurs interactions.
Ainsi, le nano est-il borné, d’un côté, par les dimensions de l’atome - le dix milliardième de mètre - et de l’autre, par celles d’agrégats moléculaires cent fois plus gros. Les forces mises en jeu à l’échelle atomique font appel aux concepts de la physique quantique, responsables d’un bouleversement majeur au cours de la première moitié du XXème siècle, dans l’appréhension de la nature intime. Le surréalisme de Dali, pour ne reprendre que le sien, en concevra une autre source d’inspiration à partir des années 1940. "J'étudie, je veux découvrir le moyen de transmuter mes oeuvres en antimatière", écrira-t-il en 1958 dans le Manifeste de l’Antimatière.
Entre objets plus volumineux, les forces déployées sont qualifiées de faibles. S’installe alors un jeu de construction labile dont les briques sont aussi petites qu’un cheveu coupé en cent mille.

…aux nanomatériaux pour l’art. Il serait présomptueux de vouloir résumer l’étendue des possibilités offertes aux physiciens et aux chimistes par le contrôle de la matière. Tout en restant encore très éloignées de la possibilité de transformer cette matière en objets animés, les frontières qui divisent les mondes du vivant et de l’inerte, s’entrecroisent, s’entrechoquent, s’entremêlent au point de devenir floues.
La reconnaissance des molécules entre elles, le ciblage de cellules tumorales, la constitution de corps hybrides de type verre-cellule ou verre-enzyme, la production de nanoobjets par des organismes micrométriques, les moteurs moléculaires, les cristaux photoniques, la manipulation de l’ADN font écho à cette nature qui joue aux dés, au principe d’incertitude d’Heisenberg, à ceux de la superposition d’états et de l’influence du regardant sur le regardé à la dualité onde-corpuscule de la lumière.
Ces quelques exemples d’hier et d’aujourd’hui constituent une mince partition du possible et montrent combien se réduit la distance entre les disciplines. Les objets du nano et les concepts associés demeurent autant de sources auxquelles l’artiste est susceptible de puiser.

Concevoir, recevoir et préserver. De nouvelles briques, de nouvelles idées jetées en pâture aux artistes ! Gageons que de nombreuses œuvres verront le jour dans la mouvance de celles présentées lors de cette journée d’étude. La question intéresse de près le conservateur-restaurateur confronté, face aux œuvres d’art contemporain, sinon à un certain embarras, davantage à une absence de socle théorique.
Cesare Brandi publie en 1963, une Théorie de la restauration, plaçant l’acte de restaurer dans la pensée. Référence incontournable pour les uns, véritable bible pour les autres, cette théorie semble toutefois étrangère à la restauration des œuvres conceptuelles à occurrence matérielle.

Objectif. Cette journée d’étude tentera de donner un aperçu des matériaux existants et des concepts en vigueur dans le domaine des nanosciences. Autour d’œuvres et d’expériences, elle réunira scientifiques de la matière, historiens de l’art, conservateurs, conservateurs-restaurateurs, artistes, galeristes et critiques d’art.